Cancún, Mexique - 2003

CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE L’OMC, CANCÚN 2003: NOTES D’INFORMATION

RÈGLES: ACCORDS COMMERCIAUX RÉGIONAUX

Pierres angulaires ou pierres d’achoppement?

Même si l’on parle à l’OMC d’accords “régionaux”, ceux-ci englobent également les accords de libre-échange bilatéraux conclus entre des pays ou des groupes de pays qui n’appartiennent pas à la même région. Ces accords sont devenus si répandus qu’actuellement, la plupart des Membres de l’OMC font aussi partie d’un ou de plusieurs d’entre eux, et que leur portée, leur champ d’application et leur nombre ne cessent d’augmenter.

On estime que plus de la moitié du commerce mondial s’effectue maintenant dans le cadre d’accords de ce type. Il en existe sur tous les continents. Les plus connus d’entre eux sont l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), ainsi que ceux ayant donné naissance à l’Union européenne, à l’Association européenne de libre-échange (AELE), au Marché commun du Sud (MERCOSUR), à l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) et à sa zone de libre-échange, et au Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA).

Dès sa création, le GATT — et maintenant l’OMC — a permis aux pays Membres d’établir des unions douanières et des zones de libre-échange, à titre d’exception au principe fondamental de non-discrimination énoncé dans la clause de la nation la plus favorisée de l’article premier du GATT.

Les conditions applicables au commerce des marchandises dans le cadre de ces accords sont énoncées à l’article 24 du GATT. Fondamentalement, un accord commercial régional devrait avoir pour objet de favoriser le commerce entre les États membres et non d’opposer des obstacles au commerce d’autres Membres de l’OMC. Pendant les négociations du Cycle d’Uruguay (1986-1994), l’article 24 a été clarifié dans une certaine mesure et actualisé.

Les arrangements commerciaux préférentiels concernant le commerce des marchandises entre les pays en développement Membres sont régis par une “clause d’habilitation” datant de 1979.

En ce qui concerne le commerce des services, les accords d’intégration économique sont régis par l’article 5 de l’AGCS.

Les accords préférentiels non réciproques sont généralement conclus par des pays en développement et des pays développés. Les Membres de l’OMC qui ont signé un tel accord doivent demander une dérogation aux règles de l’OMC. Parmi les accords de ce type les plus connus, mentionnons la Loi relative au redressement économique du Bassin des Caraïbes et l’Accord de Cotonou, qui a été conclu par les CE et les pays ACP en remplacement de la Convention de Lomé.

Les régimes non réciproques relevant du Système généralisé de préférences — en vertu desquels les pays développés admettent les importations en provenance des pays en développement en franchise de droits ou à des taux de droits faibles — sont régis par la “clause d’habilitation”.

 

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Travaux du Comité des accords commerciaux régionaux

En février 1996, le Conseil général de l’OMC a établi un comité unique chargé de surveiller tous les accords commerciaux régionaux en remplacement des différents groupes de travail qui examinaient chacun un accord distinct. Le Comité des accords commerciaux régionaux analyse également les conséquences systémiques plus générales des accords pour le système commercial multilatéral et les relations qui existent entre ces accords, et il encourage les pays les ayant signés à rendre dûment compte de leur fonctionnement.

En mai 2003, plus de 265 accords commerciaux régionaux avaient été notifiés à l’OMC et, avant, au GATT. Parmi ceux-ci, 139 accords notifiés au titre de l’article 24 du GATT, 19 au titre la Clause d’habilitation et 26 au titre de l’article 5 de l’AGCS sont toujours en vigueur actuellement. Le Comité procède en ce moment à l’examen de plus de 125 accords.

  • Le Comité des accords commerciaux régionaux a élaboré des procédures pour l’examen des accords, y compris en ce qui concerne la collecte de renseignements. Ces procédures servent à évaluer si chaque accord est compatible avec les dispositions de l’OMC. Toutefois, les Membres de l’OMC n’étant pas parvenus à un consensus sur la manière d’interpréter les critères d’évaluation de cette compatibilité, le Comité doit faire face à une accumulation de rapports en souffrance.
     
  • À mesure que le nombre d’accords régionaux augmente, il devient de plus en plus indispensable de déterminer si les règles de l’OMC les régissant doivent être clarifiées davantage. Les Membres de l’OMC ne s’entendent pas sur la question de savoir si les accords commerciaux promeuvent ou entravent le système commercial multilatéral — autrement dit s’ils constituent des “pierres angulaires” ou des “pierres d’achoppement”. Certains pensent que les accords régionaux renforcent le système multilatéral car ils évoluent plus rapidement et permettent d’intégrer les pays en développement dans l’économie mondiale. D’autres pensent que les règles de l’OMC devraient être révisées — et non pas simplement réinterprétées — de sorte que les deux systèmes puissent mieux fonctionner ensemble, du fait en particulier que le nombre d’accords a augmenté et que le chevauchement de la participation est de plus en plus grand.

 

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Quels sont les enjeux?

Les questions soulevées par le débat sur le régionalisme sont complexes.

Certaines ont un caractère essentiellement juridique. Par exemple, l’article 24 du GATT dispose qu’un accord commercial régional doit porter sur “l’essentiel des échanges commerciaux” de marchandises entre les parties. De même, l’article 5 de l’AGCS pose comme condition que l’Accord “couvre un nombre substantiel de secteurs” de services. Mais les Membres ne s’entendent pas sur la signification de ces expressions et, dans la pratique, de nombreux accords excluent des domaines importants et sensibles comme l’agriculture et les services financiers. D’où les difficultés qui se posent lorsqu’il s’agit d’évaluer la compatibilité de ces accords avec les règles de l’OMC.

D’autres questions ont un caractère plus institutionnel. Elles font ressortir les divergences pouvant exister entre les règles énoncées dans les accords régionaux et celles de l’OMC. L’objectif des négociations a évolué au fil du temps: alors qu’elles visaient au départ la réduction des droits de douane, elles concernent aujourd’hui les règles et la réglementation, au niveau tant régional que multilatéral — par exemple, les règles régissant les mesures antidumping, les subventions ou les normes de produits. Certains accords régionaux récents incluent des dispositions touchant à des domaines qui ne sont pas du tout couverts par l’Accord sur l’OMC, comme l’investissement ou la concurrence.

Enfin et surtout, il y a la dimension économique. Aujourd’hui, elle va bien au-delà des effets des préférences tarifaires sur les pays parties aux accords régionaux et les pays tiers. Étant donné le nombre important et croissant des accords régionaux et le chevauchement de la participation à ces accords, c’est plutôt leur incidence sur la configuration et le développement du commerce international lui-même qui est en cause. Ces prochaines années, ce sera l’un des défis majeurs auxquels seront confrontés les responsables de la formulation des politiques commerciales sur tous les continents.

 

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La Déclaration de Doha

Le rapport entre le régionalisme et le multilatéralisme est devenu une question systémique fondamentale, comme le montre l’accumulation de rapports en souffrance au Comité des accords commerciaux régionaux de l’OMC et l’absence de consensus sur la question plus générale de la compatibilité des accords régionaux avec les règles de l’OMC.

À la Conférence ministérielle de Doha en novembre 2001, les Membres de l’OMC sont convenus de donner une impulsion politique à cette question et de négocier une solution, en tenant dûment compte du rôle que ces accords peuvent jouer pour favoriser le développement.

La déclaration ministérielle prescrit des négociations visant à “clarifier et à améliorer les disciplines et procédures prévues par les dispositions existantes de l’OMC qui s’appliquent aux accords commerciaux régionaux. Les négociations tiendront compte des aspects des accords commerciaux régionaux relatifs au développement”.

Ces négociations s’inscrivent dans le calendrier général établi pour presque toutes les négociations prescrites dans la Déclaration de Doha. Elles doivent s’achever le 1er janvier 2005. La Conférence ministérielle de Cancún fera le bilan des progrès accomplis, donnera toutes les orientations politiques nécessaires et prendra les décisions qui s’avèreront nécessaires.

 

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Depuis lors: le Groupe de négociation sur les règles

Alors que le Comité des accords commerciaux régionaux poursuivait son examen des divers accords, les Membres ont décidé que le mandat de Doha devait être exécuté par un organe de négociation spécifique. Le Groupe de négociation sur les règles a été établi en 2002 afin de clarifier et d’améliorer les disciplines régissant l’application des mesures antidumping, des subventions et des mesures compensatoires, des subventions aux pêcheries, et des accords commerciaux régionaux.

Le Groupe de négociation a tenu neuf réunions formelles en 2002 et 2003. Il a également tenu des réunions informelles au cours desquelles il a pu débattre des questions visées plus librement. Par ailleurs, un séminaire sur le régionalisme à l’intention de fonctionnaires a été organisé à Genève en avril 2002; il a permis de mieux comprendre l’importance des accords régionaux pour le commerce mondial et d’explorer les moyens d’assurer la cohérence des mesures commerciales aux niveaux multilatéral et régional.

Les travaux du Groupe de négociation ont bien avancé. L’identification des questions a pu être achevée rapidement car celles-ci avaient déjà été longuement examinées au Comité des accords commerciaux régionaux. Afin d’aider les participants à présenter des communications et des propositions, le Secrétariat a établi en août 2002 une note d’information inventoriant toutes les questions relatives aux accords commerciaux régionaux qui avaient été soulevées dans divers conseils et comités de l’OMC et mentionnées dans les décisions de l’OMC concernant le règlement des différends. Le Groupe de négociation a décidé de s’employer prioritairement à faire progresser l’examen des questions “procédurales” et de n’examiner à ce stade que quelques questions “systémiques”. Par ailleurs, la question a été soulevée de savoir si les nouvelles règles issues des négociations devraient s’appliquer rétroactivement aux accords régionaux existants. Cette question juridique complexe a des conséquences considérables.

Les questions procédurales Parmi ces questions, celle qui est jugée prioritaire est la “transparence” — qui concerne l’obligation de notifier les accords commerciaux régionaux à l’OMC, et le point de savoir “quand” les renseignements devraient être notifiés, “ce qui” devrait être notifié pour chaque accord, et “où”, dans quel conseil ou comité de l’OMC, les renseignements devraient être examinés. Le Groupe de négociation étudie également de quelle façon utiliser Internet pour rendre les renseignements publics.

L’objectif est d’améliorer les renseignements fournis par les Membres sur les accords auxquels ils sont parties, pour que les examens puissent être effectués plus commodément et méthodiquement.

Le Secrétariat pourrait jouer un rôle de plus en plus important en présentant des rapports factuels sur chaque accord, afin de rendre l’examen des accords régionaux plus efficace et cohérent.

Questions en rapport avec le système commercial À ce stade, les Membres ont déjà identifié quelques questions “systémiques” qu’ils ont jugé bon d’examiner rapidement:

  • l’interprétation à donner de l’expression “l’essentiel des échanges commerciaux”;
     
  • les réglementations qui pourraient restreindre les échanges, comme les règles d’origine prévues dans les régimes préférentiels;
     
  • les rapports entre les accords régionaux et le développement;
     
  • la primauté du système commercial multilatéral et les effets négatifs possibles des accords régionaux sur les pays tiers.