Hong Kong, Chine - 2005

CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE L’OMC, HONG KONG 2005: NOTES D’INFORMATION

RÈGLES: ACCORDS COMMERCIAUX RÉGIONAUX

Pierres angulaires ou pierres d'achoppement?

Même si l'on parle à l'OMC d'accords “régionaux”, ceux-ci englobent également les accords de libre échange bilatéraux conclus entre des pays ou des groupes de pays qui n'appartiennent pas à la même région. Ces accords sont devenus si répandus que, actuellement, la plupart des Membres de l'OMC font aussi partie d'un ou de plusieurs d'entre eux, et que leur portée, leur champ d'application et leur nombre ne cessent d'augmenter.

On estime que plus de la moitié du commerce mondial s'effectue maintenant dans le cadre d'accords de ce type. Il en existe sur tous les continents. Les plus connus sont l'Accord de libre échange nord américain (ALENA), ainsi que ceux qui ont donné naissance à l'Union européenne, à l'Association européenne de libre échange (AELE), au Marché commun du Sud (MERCOSUR), à l'Association des nations de l'Asie du Sud Est (ANASE) et à sa zone de libre échange, et au Marché commun de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe (COMESA).

Dès sa création, le GATT — et maintenant l'OMC — a permis aux pays Membres d'établir des unions douanières et des zones de libre échange, à titre d'exception au principe fondamental de non discrimination énoncé dans la clause de la nation la plus favorisée de l'article premier du GATT.

Les conditions applicables au commerce des marchandises dans le cadre de ces accords sont énoncées à l'article 24 du GATT. Fondamentalement, un accord commercial régional devrait avoir pour objet de favoriser le commerce entre les États Membres et non d'opposer des obstacles au commerce d'autres Membres de l'OMC. Pendant les négociations du Cycle d'Uruguay (1986-1994), l'article 24 a été clarifié dans une certaine mesure et actualisé.

Les arrangements commerciaux préférentiels concernant le commerce des marchandises entre les pays en développement Membres sont régis par une “Clause d'habilitation” datant de 1979. Ces arrangements ne sont pas soumis à un examen par le Comité des accords commerciaux régionaux mais sont notifiés au Comité du commerce et du développement.

En ce qui concerne le commerce des services, les accords d'intégration économique sont régis par l'article 5 de l'AGCS.

Les accords préférentiels non réciproques sont généralement conclus par des pays en développement et des pays développés. Les Membres de l'OMC qui ont signé un tel accord doivent demander une dérogation aux règles de l'OMC. Parmi les accords de ce type les plus connus figurent la Loi relative au redressement économique du bassin des Caraïbes et l'Accord de Cotonou, qui a été conclu par les CE et les pays ACP en remplacement de la Convention de Lomé.

Les régimes non réciproques relevant du Système généralisé de préférences — en vertu desquels les pays développés admettent les importations en provenance des pays en développement en franchise de droits ou à des taux de droits faibles — sont régis par la “Clause d'habilitation”.

  

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Travaux du Comité des accords commerciaux régionaux

En février 1996, le Conseil général de l'OMC a établi un comité unique chargé de surveiller tous les accords commerciaux régionaux en remplacement des différents groupes de travail qui examinaient chacun un accord distinct. Le Comité des accords commerciaux régionaux analyse également les conséquences systémiques plus générales des accords pour le système commercial multilatéral et les relations qui existent entre ces accords, et il encourage les pays les ayant signés à rendre dûment compte de leur fonctionnement.

En juillet 2005, plus de 300 accords commerciaux régionaux avaient été notifiés à l'OMC et, auparavant, au GATT. Parmi ceux ci, 128 accords notifiés au titre de l'article 24 du GATT, 21 au titre de la Clause d'habilitation et 31 au titre de l'article 5 de l'AGCS sont toujours en vigueur actuellement. Le Comité procède en ce moment à l'examen de plus de 150 accords.

Le Comité des accords commerciaux régionaux a élaboré des procédures pour l'examen des accords, y compris en ce qui concerne la collecte de renseignements. Ces procédures servent à évaluer si chaque accord est compatible avec les dispositions de l'OMC. Toutefois, les Membres de l'OMC n'étant pas parvenus à un consensus sur la manière d'interpréter les critères d'évaluation de cette compatibilité, le Comité doit faire face à une accumulation de rapports en souffrance. En réalité, il n'y a eu consensus sur la compatibilité avec l'article 24 que dans un cas à ce jour: l'union douanière entre la République tchèque et la République slovaque après l'éclatement de la Tchécoslovaquie.

À mesure que le nombre d'accords régionaux augmente, il devient de plus en plus indispensable de déterminer si les règles de l'OMC les régissant doivent être clarifiées davantage. Les Membres de l'OMC ne s'entendent pas sur la question de savoir si les accords commerciaux favorisent ou entravent le système commercial multilatéral — autrement dit s'ils constituent des “pierres angulaires” ou des “pierres d'achoppement”. Certains pensent que les accords régionaux renforcent le système multilatéral car ils évoluent plus rapidement et permettent d'intégrer les pays en développement dans l'économie mondiale. D'autres pensent que les règles de l'OMC devraient être révisées — et non pas simplement réinterprétées — de sorte que les deux systèmes puissent mieux fonctionner ensemble, d'autant plus que le nombre d'accords a augmenté et que le chevauchement de la participation est de plus en plus grand.

  

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Quels sont les enjeux?

Les questions soulevées par le débat sur le régionalisme sont complexes.

Certaines ont un caractère essentiellement juridique. Par exemple, l'article 24 du GATT dispose qu'un accord commercial régional doit porter sur “l'essentiel des échanges commerciaux” de marchandises entre les parties. De même, l'article 5 de l'AGCS pose comme condition que l'Accord “couvre un nombre substantiel de secteurs” de services. Mais les Membres ne sont pas d'accord sur la signification de ces expressions et, dans la pratique, de nombreux accords excluent des domaines importants et sensibles comme l'agriculture et les services financiers. D'où les difficultés qui se posent lorsqu'il s'agit d'évaluer la compatibilité de ces accords avec les règles de l'OMC.

D'autres questions ont un caractère plus institutionnel. Elles font ressortir les divergences pouvant exister entre les règles énoncées dans les accords régionaux et celles de l'OMC. L'objectif des négociations a évolué au fil du temps: alors qu'elles visaient au départ la réduction des droits de douane, elles concernent aujourd'hui les règles et la réglementation, au niveau tant régional que multilatéral — par exemple, les règles régissant les mesures antidumping, les subventions ou les normes de produits. Certains accords régionaux récents incluent des dispositions touchant à des domaines qui ne sont pas du tout couverts par l'Accord sur l'OMC, comme les politiques en matière d'investissement ou de concurrence.

Enfin et surtout, il y a la dimension économique. Aujourd'hui, elle va bien au-delà des effets des préférences tarifaires sur les pays parties aux accords régionaux et les pays tiers. Étant donné le nombre important et croissant des accords régionaux et le chevauchement de la participation à ces accords, c'est plutôt leur incidence sur la configuration et le développement du commerce international lui-même qui est en cause. Ces prochaines années, ce sera l'un des défis majeurs auxquels seront confrontés les responsables de l'élaboration des politiques commerciales sur tous les continents.

  

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La Déclaration de Doha

Le rapport entre le régionalisme et le multilatéralisme est devenu une question systémique fondamentale, comme le montre l'accumulation de rapports en souffrance au Comité des accords commerciaux régionaux de l'OMC et l'absence de consensus sur la question plus générale de la compatibilité des accords régionaux avec les règles de l'OMC.

À la Conférence ministérielle de Doha, en novembre 2001, les Membres de l'OMC sont convenus de donner une impulsion politique à cette question et de négocier une solution, en tenant dûment compte du rôle que ces accords peuvent jouer pour favoriser le développement.

La Déclaration ministérielle prescrit des négociations visant à “clarifier et à améliorer les disciplines et procédures prévues par les dispositions existantes de l'OMC qui s'appliquent aux accords commerciaux régionaux. Les négociations tiendront compte des aspects des accords commerciaux régionaux relatifs au développement”.

  

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Depuis lors: le Groupe de négociation sur les règles

Alors que le Comité des accords commerciaux régionaux poursuivait son examen des divers accords, les Membres ont décidé que le mandat de Doha devait être exécuté par un organe de négociation spécifique. Le Groupe de négociation sur les règles a été établi en 2002 afin de clarifier et d'améliorer les disciplines régissant la mise en œuvre des mesures antidumping, des subventions et des mesures compensatoires, des subventions aux pêcheries et des accords commerciaux régionaux.

Les travaux du Groupe de négociation ont bien avancé. L'identification des questions a pu être achevée rapidement car celles ci avaient déjà été longuement examinées au Comité des accords commerciaux régionaux.

  

Avancées satisfaisantes sur les questions de procédure

Le Groupe a bien progressé concernant l'élaboration de projets de procédures susceptibles de promouvoir une plus grande “transparence” des ACR. En septembre 2005, le Groupe travaillait sur un projet de texte du Président, contenant des éléments sur la notification rapide des ACR et améliorant les renseignements fournis par les Membres sur leurs accords. Le Secrétariat pourrait jouer un rôle de plus en plus important en présentant des rapports factuels sur chaque accord, afin de rendre l'examen des accords régionaux plus efficace et cohérent. À titre d'expérience, le Comité des ACR a utilisé un rapport factuel du Secrétariat pour son examen de l'Accord de libre-échange Chili-Corée en juillet 2005 à la satisfaction générale des délégations.

Parmi les questions en suspens dans ce domaine il y a la façon de traiter les ACR actuellement examinés au Comité des accords commerciaux régionaux et le point de savoir si les nouvelles procédures s'appliqueraient aux ACR notifiés au titre de la Clause d'habilitation.

  

Questions liées au système commercial

Les discussions sur les “questions systémiques” se sont récemment intensifiées avec la présentation de plusieurs propositions. Cependant, des positions divergentes continuent à être exprimées sur des questions comme:

  • l'interprétation à donner de l'expression “l'essentiel des échanges commerciaux”;
      
  • les réglementations qui pourraient restreindre les échanges, comme les règles d'origine prévues dans les régimes préférentiels;
      
  • les rapports entre les accords régionaux et le développement;
      
  • la primauté du système commercial multilatéral et les effets négatifs possibles des accords régionaux sur les pays tiers.

  

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Pour Hong Kong

Le Groupe de négociation n'a pas d'échéances intermédiaires dans le domaine des ACR. Cependant, il est convenu d'un programme de travail intensif visant à présenter un projet d'accord sur la transparence aux Ministres et à faire progresser le plus possible les discussions sur les questions systémiques.