RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS: ORGANE D’APPEL

Discours d’adieu de M. David Unterhalter, qui quitte l’Organe d’appel

Le 22 janvier 2014, M. David Unterhalter, membre de l’Organe d’appel quittant ses fonctions, a prononcé son discours d’adieu à l’OMC. Voici ce qu’il a dit:

> Discours de Ricardo Ramírez-Hernández, Président de l’Organe d’appel

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> David Unterhalter

Ce fut un très grand privilège et un très grand plaisir d’être au service de cette Organisation, d’abord en tant que membre de groupe spécial, puis en tant que membre de l’Organe d’appel.

J’ai toujours considéré ma désignation à l’Organe d’appel comme improbable et j’ai ressenti, tout au long de mon mandat, une profonde reconnaissance envers ceux qui m’ont donné cette chance aussi gratifiante qu’inespérée.

Il est généralement imprudent de la part des juges de parler des questions qu’ils sont chargés de trancher, il est donc bien préférable de laisser aux autres le soin de réfléchir sur ce qu’ils font ou devraient faire.

L’avantage des bons conseils, c’est qu’on peut, dans certains cas, ne pas les suivre: c’est peut-être l’occasion de le faire ici. Vous me pardonnerez donc de formuler, avant de quitter mes fonctions, quelques modestes observations au sujet du système de règlement des différends de l’OMC et de l’Organe d’appel.

J’aimerais évoquer trois points. Je parlerai tout d’abord de l’importance du règlement des différends de l’OMC qui a atteint une maturité quelque peu précoce. Je vous ferai ensuite part de quelques réflexions sur les défis que devra relever le système. Enfin, sur une note plus sentimentale, j’évoquerai certaines caractéristiques internes de l’Organe d’appel qui ont fait la force de cette institution.

Ceux qui sont au service d’une institution depuis un certain temps ne sont pas toujours à même de décrire ses points forts de manière fiable ou objective. Ceux qui voient les choses de l’intérieur ont tendance à en donner une évaluation trop flatteuse.

Il est assez remarquable que les institutions chargées du règlement des différends à l’OMC aient acquis une si large reconnaissance et, selon moi, une légitimité, en un laps de temps relativement court. Il existe de nombreuses preuves de cette légitimité.

Premièrement, dans un monde où le projet du commerce multilatéral apparaît si souvent menacé par des accords régionaux et bilatéraux ambitieux, l’OMC demeure le cadre privilégié pour régler les différends commerciaux. Deuxièmement, les Membres de l’OMC sont de plus en plus nombreux à avoir recours au système, qui traite un nombre toujours croissant de différends portant sur des domaines divers des accords visés. Troisièmement, le système de règlement des différends de l’OMC est désormais considéré par les juristes internationaux comme l’une des sources les plus prolifiques du droit international. Quatrièmement, la reconnaissance institutionnelle du système se manifeste, d’une part, par les nombreuses publications universitaires sur le droit de l’OMC et, d’autre part, par le fait que celui-ci est désormais considéré comme une spécialité par les juristes.

Le système de règlement des différends a peu à peu acquis cette légitimité et cette autorité, qui reposent sur un certain nombre de valeurs fondamentales. Avant toute chose, le processus juridictionnel est indépendant. Ceux qui rendent des décisions peuvent faire erreur. Leurs décisions peuvent, tour à tour, susciter la colère, l’intérêt ou l’indifférence. Mais elles ne sont pas entachées d’un manque d’honnêteté, de favoritisme ni d’aucun conflit d’intérêts. L’indépendance peut apparaître comme un avantage évident, qui ne doit toutefois pas être tenu pour acquis. L’abus d’influence, les conflits d’intérêts et les positions partisanes surviennent bien trop facilement et, en l’absence de garde-fou, elles peuvent gravement compromettre une institution. Le prix à payer pour l’indépendance est de conserver une certaine distance au niveau institutionnel. Mais cette indépendance est indispensable.

Cette légitimité tient également à la qualité du processus de prise de décisions, qui a deux caractéristiques. Tout d’abord, il est important que les parties à un différend soient entendues, non seulement au sens strict du terme, mais aussi dans le sens où ceux qui sont chargés de trancher le différend doivent en avoir compris les enjeux et être capables de discuter de ces questions de manière approfondie avec les parties. Cela permet d’améliorer la qualité des décisions. Et puisque, dans tout différend, il faut qu’une partie l’emporte au final, il est essentiel que, au terme de la procédure, la partie perdante ait la conviction que ses arguments ont été dûment compris et examinés. On pense parfois que les audiences de l’Organe d’appel sont trop longues. Je ne suis pas de cet avis. Il ne m’est jamais arrivé de sortir d’une audience sans avoir acquis une bien meilleure compréhension de l’affaire grâce aux débats qui avaient eu lieu. J’admets que les parties perdantes peuvent considérer qu’une décision est mauvaise, mais elles ne pourront guère la considérer comme injuste.

La deuxième caractéristique du processus de prise de décisions est la qualité des jugements. Il faut de nombreux éléments pour rendre un bon jugement: une connaissance approfondie du droit; une excellente aptitude à comprendre un principe et à en tirer des conséquences logiques; l’aptitude à maîtriser des faits complexes et à les rendre cohérents; et un raisonnement pragmatique permettant d’obtenir des résultats logiques. Très peu de personnes possèdent l’ensemble de ces qualités, et certainement pas dans la même mesure. L’Organe d’appel a eu la chance de compter parmi ses membres des personnes possédant un grand nombre de ces qualités qui sont importantes pour rendre des jugements solides. L’importance du processus de prise de décisions peut notamment être mesurée en examinant dans quelle mesure on s’appuie sur les décisions antérieures pour infléchir l’issue d’un nouveau différend. Bien que la règle du précédent ne soit pas appliquée formellement dans le système, les arguments présentés devant l’Organe d’appel et les groupes spéciaux font référence au contenu de décisions antérieures. Cela n’est pas fait uniquement par souci de commodité, mais également pour reconnaître la valeur de la contribution des décisions antérieures à l’interprétation des accords visés.

Bien entendu, certaines décisions n’ont pas été acceptées par tous et d’autres étaient controversées. Mais, dans l’ensemble, le corpus de droit qui a été développé est bien considéré. La constitution de cette jurisprudence s’est, pour l’essentiel, faite progressivement, l’objectif étant d’assurer la cohérence et la clarté de l’interprétation des textes négociés. Elle a permis l’application du droit de l’OMC à divers régimes de droit national, tout en cherchant à établir un bon équilibre entre les impératifs de la politique intérieure et les disciplines du droit de l’OMC, et elle a évolué à travers les méandres de différends importants et complexes qui semblaient souvent insolubles.

Une autre source de légitimité est la question de l’accès au système. On dit que, pour participer au système de règlement des différends de l’OMC, il faut avoir de la patience, beaucoup de temps, d’importantes ressources et être capable d’appréhender un ensemble de plus en plus complexe de règles et de procédures. Cela est vrai en partie, mais pas dans tous les cas. Malgré cela, de plus en plus de Membres ont recours au système, et cela de manière répétée. Les règles de procédure sont claires et appliquées sans formalités excessives. Les décisions de l’Organe d’appel sont rendues, pour la plupart, dans le délai de 90 jours. La présentation de communications en tant que tierces parties est encouragée. Certes, il faut connaître un peu le système pour y participer, mais il n’est pas opaque. Il est régi par des règles et privilégie l’équité de la procédure. Ces caractéristiques rendent le système plus accessible et renforcent donc sa légitimité.

Enfin, il y a la question de la composition. L’Organe d’appel est un élément essentiel pour les Membres de l’OMC voulant faire entendre leur voix dans le processus juridictionnel. Bien qu’il ne représente pas les Membres, il doit en refléter la diversité. L’un des atouts de l’Organe d’appel a toujours été l’appartenance de ses membres à des traditions juridiques et à des sociétés très différentes. Cette différence de perspective est au service d’un objectif commun: le règlement des différends conformément au droit de l’OMC. Les décisions de l’Organe d’appel apportent des réponses uniques, en dépit de la diversité des décideurs, ce qui contribue à la richesse du résultat.

Voilà, en résumé, quels sont, selon moi, les atouts du système de règlement des différends de l’OMC.

Qu’en est-il des défis que ce système devra relever? Je passe maintenant à l’examen de cette question.

 

Les défis

Plus la part du commerce international augmente, moins les échanges sont, dans les faits, réglementés par la législation intérieure des différents États. C’est un fait bien connu. Ce que l’on voit cependant apparaître, c’est un palimpseste de régimes juridiques: arbitrage privé, traités d’investissement, accords bilatéraux, régionaux et multilatéraux. Le paysage de la réglementation supranationale est morcelé; ses territoires se chevauchent et il évolue de manière imprévisible et s’articule de manière complexe. C’est un processus dont on ne peut pas prévoir le résultat.

Dans ce contexte en constante mutation, le projet du multilatéralisme n’est pas assuré. Si l’OMC finissait par n’être qu’un engagement historique envers un socle de droits et d’obligations, l’institution s’étiolerait, et avec elle, le système de règlement des différends. Si les Accords de l’OMC n’intègrent plus les engagements pris par les Membres pour de nouvelles questions commerciales, la fonction de règlement des différends de l’OMC perdra sa prééminence. Premièrement, parce que de nombreuses questions clés des accords visés auront été, au cours du temps, clarifiées dans les différends. Deuxièmement, parce que les nouvelles questions commerciales seront réglementées par d’autres instances et que les différends seront réglés là où les droits et obligations se situent. Troisièmement, parce que, si le règlement des différends devenait la principale activité de l’OMC, cette institution perdrait sa cohésion. La fonction juridictionnelle est solide lorsqu’elle a des liens dynamiques avec la fonction législative. Si l’on accorde au règlement des différends une importance disproportionnée, le système est déséquilibré, et l’atrophie d’une partie de ce système finit par prendre le pas sur tout le reste.

Pendant la longue période au cours de laquelle le Cycle de Doha n’a produit aucun résultat, l’accent mis sur le règlement des différends a commencé à devenir manifeste. On disait que l’Organe d’appel avait trop de pouvoir, qu’il prenait des décisions qui allaient au-delà de son domaine de compétence. Je ne suis pas de cet avis. Mais ces points de vue dénotent une inaptitude à faire progresser les engagements conventionnels des Membres, dont l’un des plus importants est le pouvoir de modifier les interprétations de l’Organe d’appel.

Ceux qui sont chargés du fonctionnement du système de règlement des différends ne peuvent, bien entendu, pas faire grand-chose dans le contexte plus large des négociations. Il est toutefois important d’admettre que le système est fragile: son succès dépend de son utilité pour les Membres et il ne se développera que si le projet de l’OMC dans son ensemble se développe aussi.

Ceux qui sont au service du système et croient en ses valeurs sont toujours tentés de penser que ce système est autonome. Ce n’est pas le cas. Si les Membres de l’OMC ne parviennent pas à se mettre d’accord sur la manière de faire avancer le projet multilatéral, cela aura également une incidence sur l’efficacité du règlement des différends. Heureusement, avec les résultats obtenus à Bali, il semble que l’on croit de nouveau à la possibilité de conclure le Cycle de Doha et ce qui viendra après.

Il y a d’autres défis à relever, mais je crois qu’ils ne sont que la conséquence du défi plus général que je viens de décrire. Le système de règlement des différends de l’OMC possède de nombreuses qualités, mais il doit s’adapter aux nouveaux types de différends qui lui sont soumis.

À l’époque où le système de règlement des différends a été conçu, on n’avait pas prévu que les différends portés aujourd’hui devant des groupes spéciaux et l’Organe d’appel seraient aussi complexes, qu’ils porteraient sur un si grand nombre de faits, ni qu’il y en aurait autant. Le système donne très fréquemment lieu à des appels, qui aboutissent d’ailleurs très souvent, ce qui veut dire qu’il y a un certain déséquilibre dans le système. Bien sûr, j’admets que les Membres, qui cherchent à obtenir des clarifications faisant autorité des accords visés, seront tentés de demander un deuxième avis auprès de l’Organe d’appel. Mais de nombreux différends ne portent pas uniquement sur des questions de droit; c’est pourquoi l’efficacité du système devrait être améliorée de façon à régler ces questions en première instance. Cela signifie qu’il faut réformer, en partie, les groupes spéciaux. Je suis favorable à l’établissement d’un organe chargé de statuer en première instance afin de renforcer la cohérence des décisions prises à ce niveau. Certains pensent que cela est inutile. Mais, malheureusement, nous n’avons pas de réponse mesurée à apporter face à la nécessité d’améliorer le fonctionnement du système.

Même lorsqu’il y a consensus sur la nécessité de changement, il semble que nous soyons dans l’impossibilité d’avancer. Tout le monde s’accorde à dire que les différends devraient déboucher sur des résultats significatifs. Cela n’est pas toujours possible car les constatations formulées par un groupe spécial sont limitées. La solution est de donner à l’Organe d’appel un pouvoir de renvoi. Tout le monde pense que c’est une bonne solution, mais, une fois encore, on se perd dans les aspects techniques et rien n’est fait.

Enfin, pour donner un exemple, la charge de travail de l’Organe d’appel est imprévisible. À certaines périodes, le nombre d’affaires à traiter excède la capacité de l’institution. C’est pourquoi nous avons besoin d’établir certaines règles pour déterminer l’ordre dans lequel les appels seront examinés. Nous avons également besoin d’assouplir la règle du délai de 90 jours. Même cette question pratique, et pourtant importante, a fait l’objet d’un débat, mais elle n’a pas été réglée pour autant. Un système rationnel devrait aussi prévoir des règles permettant de fixer le calendrier des appels et le nombre d’affaires pouvant être traitées simultanément. Cela rendrait le processus d’examen en appel plus prévisible, tant pour l’Organe d’appel que pour les parties et permettrait également une utilisation rationnelle des ressources. Le traitement ordonné et rapide des appels doit toujours être préféré à l’absence de règles.

Année après année, j’ai vu l’enthousiasme avec lequel le nouveau Président de l’Organe de règlement des différends souhaitait s’attaquer à ces questions et à bien d’autres encore. Et chaque année, cet enthousiasme se heurte à l’impossibilité apparente de procéder à un quelconque changement, si modeste soit-il.

Aucune de ces questions ne met le système en péril. En fait, ce type de changements progressifs permettrait d’améliorer son efficacité. Mais cela révèle un malaise plus large que nous devrions nous efforcer de dissiper.

J’ai insisté sur la valeur institutionnelle de l’indépendance. Celle-ci est éprouvée chaque fois qu’une personne est désignée pour siéger à l’Organe d’appel. Depuis toujours, nous sommes tous convaincus qu’un nouveau membre sera désigné dès le moment où il fait l’objet d’un consensus.

Le système de règlement des différends de l’OMC a acquis une très bonne réputation et ce à juste titre. Lorsque l’on compare les différentes instances chargées d’examiner des questions de droit international, les groupes spéciaux et l’Organe d’appel de l’OMC sont très bien considérés pour la portée, la qualité et le nombre de leurs décisions. Dans un monde où un si grand nombre de questions doivent désormais être réglées hors de la sphère de compétence des systèmes juridiques nationaux, les régimes supranationaux doivent être dotés d’une fonction de règlement des différends. Le système de l’OMC est un modèle en la matière et il doit le rester.

J’espère de tout cœur que tous ceux qui participent au système l’aideront à tenir ses promesses et l’empêcheront de se scléroser et d’être détrôné par d’autres instances.

J’aimerais enfin dire un mot à ceux qui ont rendu mon expérience à l’OMC si enrichissante et si agréable.

Quand j’ai été désigné à l’Organe d’appel, on a pu craindre que je sois une voix discordante car j’avais fait partie auparavant d’un groupe spécial qui avait adopté une position quelque peu différente de celle de l’Organe d’appel. Malgré cela, j’ai été accueilli de manière extrêmement amicale.

Le règlement des différends est parfois un travail très solitaire. Il est important de maintenir une certaine distance par rapport aux parties ou parties éventuelles. Les membres de l’Organe d’appel sont amenés à travailler ensemble pendant de longues périodes. Ils doivent statuer dans l’urgence. Les appels soulèvent de nombreuses questions sur lesquelles des personnes raisonnables peuvent être en désaccord. Au sein de l’Organe d’appel, les débats sont animés et pourraient facilement créer des tensions. Mais cela n’a jamais été le cas.

C’est l’esprit de collégialité qui l’emporte. Chacun peut exprimer son point de vue ... Les questions sont examinées sous tous les angles. Il y a une volonté commune de trouver une réponse qui soit fidèle aux accords et qui reflète les positions consensuelles obtenues de haute lutte lors de débats approfondis.

Cette coopération favorise l’amitié et le respect, et je suis très reconnaissant à tous mes collègues, anciens et actuels, qui ont si bien mis à profit la durée de ce mandat pour contribuer aux travaux de l’Organe d’appel. Ils m’ont accompagné sur le long chemin de nombreuses réflexions juridiques. Ils m’ont guidé, aidé et ont rendu ce travail si passionnant, et j’espère leur exprimer ma gratitude assez clairement.

J’ai débuté à l’OMC comme membre d’un groupe spécial. Là aussi, j’ai collaboré avec des personnes dévouées et très compétentes. Je les remercie ainsi que le Secrétariat qui apporte un soutien aux groupes spéciaux pour m’avoir si généreusement initié aux secrets du droit de l’OMC et pour avoir fait abstraction de mes nombreuses faiblesses alors que je tentais de comprendre le système.

Les membres de l’Organe d’appel dépendent beaucoup de l’aide fournie par le secrétariat de l’Organe d’appel. Le secrétariat est le centre névralgique de l’institution. J’aimerais tout d’abord rendre hommage aux juristes du secrétariat qui, au fil des années, ont fourni une assistance à l’Organe d’appel. Il est difficile d’imaginer des personnes plus compétentes. Leur connaissance du droit et l’application dont ils font preuve dans leurs travaux de recherche et de préparation des appels sont exemplaires. Le secrétariat est dirigé par son Directeur. Tout au long de mon mandat, il a guidé les travaux du secrétariat en exerçant un grand leadership intellectuel, sachant repérer les compétences d’un œil averti, mais aussi développer ces compétences.

L’Organe d’appel dépend aussi beaucoup des énormes efforts déployés par ceux qui gèrent ses travaux. Avec calme et efficacité, ils réunissent des membres dispersés aux quatre coins du monde et nous déchargent ici de nombreuses tâches qui réduiraient le temps que nous consacrons à notre activité principale. Je les en remercie tous infiniment.

Enfin, alors que je fais mes adieux à l’OMC, j’aimerais mentionner les nombreuses personnes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Organisation, qui ont rendu ces instants inoubliables. Même si on les voit rarement, les interprètes et les traducteurs de l’OMC sont indispensables dans une organisation multilingue. Merci à vous. J’aimerais également dire quelques mots aux délégués qui ont comparu devant l’Organe d’appel dans les nombreuses affaires que nous avons traitées au cours des sept dernières années: c’est grâce à la qualité de vos arguments et à la finesse de vos observations que nous avons pu constituer un corpus de droit important auquel j’ai eu le privilège d’apporter ma contribution.

Bonsoir et au revoir.

David Unterhalter

 

Cérémonie d’adieu du membre de l’Organe d’appel
M. David Unterhalter
Allocution de M. Ricardo Ramírez-Hernández
Président de l’Organe d’appel

Merci beaucoup, Monsieur l’Ambassadeur Fried, Mesdames et Messieurs les Présidents des différents organes de l’OMC, Excellences, Mesdames et Messieurs:

Bonsoir,

En ma qualité de Président en exercice de l’Organe d’appel, je me joins à vous pour dire adieu à notre cher collègue David Unterhalter.

Un membre de l’Organe d’appel a dit un jour: "Chaque grand débat doit avoir une fin." Aujourd’hui, nous nous rendons compte qu’il n’y a pas que les débats qui sont limités dans le temps; les mandats des membres de l’Organe d’appel le sont aussi, malheureusement.

Nous commençons l’année avec de grands espoirs nés du succès remporté par la Conférence ministérielle de Bali. Ce succès a été possible grâce à la volonté des Membres de l’OMC, ainsi qu’aux efforts du personnel de l’Organisation, à commencer par notre Directeur général.

En ce qui concerne le système de règlement des différends de l’OMC, nous notons que le niveau d’activité n’a pas baissé. Cela dénote le grand crédit que les Membres continuent à accorder à ce mécanisme. Comme nous l’avons indiqué dans le document sur la charge de travail distribué cet été, le nombre des affaires a augmenté et plusieurs autres tendances à la hausse peuvent être observées: tout d’abord, une augmentation de la taille des différends faisant l’objet d’un appel auprès de l’Organe d’appel; ensuite, un plus grand nombre de questions soulevées en appel, y compris des allégations au titre de l’article 11 du Mémorandum d’accord plus fréquentes; et enfin, un plus grand nombre de participants et de participants tiers aux procédures d’appel. Dans notre communication de l’été dernier, nous avons en outre démontré que ces tendances avaient également conduit à une augmentation de la longueur des communications présentées à l’Organe d’appel et, par conséquent, de la taille de nos rapports.

Ce document montre également que la dynamique de règlement des différends portés devant l’OMC a changé et que les ressources à la disposition de l’Organe d’appel doivent elles aussi changer si ce dernier veut voir durer le succès qui a été le sien au cours de ses presque 20 ans d’existence. Nous remercions les Membres de l’Organisation d’avoir tenu compte de ces changements dans le budget pour 2014-2015 en envisageant d’accorder de nouvelles ressources au système de règlement des différends.

Néanmoins, il se peut que ces ressources restent insuffisantes si plusieurs appels sont déposés simultanément ou sur une courte période. Il y a actuellement 18 procédures de groupes spéciaux en cours. Nous prévoyons qu’au moins dix rapports de groupes spéciaux seront distribués en 2014 et, statistiquement, au moins deux tiers d’entre eux feront l’objet d’un appel. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’Organe d’appel est prêt à relever le défi qui s’annonce avec ses limitations structurelles et les ressources qui seront mises à sa disposition.

J’ai travaillé quatre ans et demi avec David et je n’ai jamais pu parler anglais aussi bien que lui. Aujourd’hui, j’ai voulu lui montrer, pour la dernière fois, qu’il ne pourrait jamais parler espagnol aussi bien que moi.1

Ironie du sort: il y a plus de quatre ans, David m’assermentait et aujourd’hui c’est à moi de lui dire au revoir. Les sentiments qui nous animent ces jours-ci sont mitigés. Nous éprouvons le "regret" de voir partir l’un de nos chers collègues et en même temps de la "joie" à l’idée de travailler avec une nouvelle personne. Malheureusement, pour l’heure, c’est au grand vide que David laisse derrière lui auquel nous devons faire face. Pour utiliser vos propres mots, David, vous nous laissez aux prises avec un véritable casse-tête.

David a joué un rôle important dans les travaux de l’Organe d’appel, qu’il a guidé dans un grand nombre de procédures complexes, et il a apporté une énorme contribution aux travaux et à la réputation de cette institution au cours des sept dernières années. Pendant son mandat, il a siégé dans onze sections de l’Organe d’appel chargées d’examiner les procédures, et pour quatre d’entre elles en qualité de Président. Il a fait partie de la section qui a examiné les deux plus gros appels de l’histoire de l’Organe d’appel, à savoir les deux différends sur les aéronefs. De plus, il a participé à l’échange de vues entre les 7 membres de l’Organe d’appel dans 18 procédures. Je n’oublierai jamais la façon qu’il avait, dans de nombreux échanges de vues, d’envisager une question sous un angle que personne d’autre n’avait vu. Bien entendu, iudex non calculat, mais si nous oublions pour un instant ce principe, nous nous rendons compte qu’au cours de son mandat à l’Organe d’appel David a pris part à 29 procédures.

Évidemment, ces chiffres sont inadéquats et ne suffisent pas à rendre compte de la vraie nature de la contribution apportée par David aux travaux de l’Organe d’appel, que mes collègues et moi sommes les seuls à pouvoir pleinement apprécier. Les représentants des Membres de l’OMC qui ont dû répondre aux questions posées par David au cours des audiences, même s’ils ont passablement souffert, voient certainement de quoi je parle. Les différends examinés pendant les deux mandats de David ont atteint, en termes de taille, de nombre et de complexité, des proportions impossibles à prévoir et qui n’ont certainement pas été envisagées par les négociateurs du Mémorandum d’accord lorsqu’ils ont fixé les calendriers rigides utilisés pour le règlement des différends portés devant l’OMC. En résumé, David a joué un rôle essentiel pour ce qui est de faire en sorte que l’Organe d’appel continue à préserver les droits et obligations des Membres de l’OMC et à garantir la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral.

Cher David, un jour Nelson Mandela a dit: "Ce qui compte dans la vie, ce n’est pas le simple fait d’avoir vécu. C’est la différence que nous avons faite dans la vie des autres qui donnera un sens à la vie que nous menons." Depuis votre nomination en 2006, vous avez apporté à cette institution une connaissance, une intelligence et une expérience uniques et précieuses. Vous avez contribué à consolider et à guider une institution de règlement des différends reconnue comme étant très efficace et respectée. Tout au long de votre mandat, vous avez joué un rôle de premier plan à l’Organe d’appel en contribuant au développement du principe de la primauté du droit international. Il ne fait pas de doute que votre empreinte restera désormais marquée dans notre jurisprudence. Vous avez été un défenseur acharné de l’indépendance et de l’impartialité de l’Organe d’appel en tant que juge mondial des différends commerciaux internationaux. Ce fut pour moi un honneur de travailler avec vous. Mes collègues et le personnel du Secrétariat se joignent à moi pour vous dire chaleureusement adieu. Comme l’a dit Mandela: "Quand on a escaladé une haute montagne, on s’aperçoit qu’il y a encore beaucoup d’autres montagnes à escalader." Je suis certain que vous n’aurez aucun mal à trouver ces autres montagnes.

Merci.

 

Note:

1. Jusqu’au début de ce paragraphe, le discours a été prononcé en espagnol. retour au texte

 


Audio:

> Discours d’adieu de M. David Unterhalter, qui quitte l’Organe d’appel